Cet exercice du shiai que nous pratiquons dans nos écoles de junomichi m’est toujours apparu comme particulièrement exigeant et difficile. Comment en effet trouver l’efficacité de faire ippon dans le délai le plus court grâce aux principes formulés par Jigoro Kano et Igor Correa ? Qu’est qui distingue cet exercice du randori ? Que nous apporte le shiai dans la pratique du junomichi ? A défaut de répondre à ces questions, je propose quelques éléments de réflexions qui accompagnent ma pratique.

 

 

Si nous reprenons la définition issue du junomichi no kotoba, le shiai « offre aux pratiquants une situation au cours de laquelle éprouver leur capacité à effectuer ippon, c'est-à-dire décider, dans un temps très court, le terme d’un combat ».

Le shiai ne se définit donc pas par rapport aux formes choisies pour le pratiquer. La rencontre nationale a adopté une organisation des combats qui permet à un grand nombre de pratiquants de se rencontrer sur une journée. Il existe d'autre manière de pratiquer cet exercice. Il est en effet possible de faire shiai sous la forme de « la ligne » (1) ou du « champ de bataille » (2). Deux pratiquants qui font randori peuvent également décider à un moment donner de faire shiai et donc d’interrompre leur combat sur un ippon qui devra apparaître dans un délai très court.

Un des principes couramment associé au shiai est celui de la décision. En interrompant le combat au moment précis où est apparu un ippon, l’exercice met en exergue la capacité d’un des partenaires à effectuer une projection en unissant le corps de manière souple et puissante. Le shiai est donc un contexte tout à fait propice au travail de la décision. Cependant, le principe de décision est présent partout ; le junomichi offre à chaque instant une situation où pratiquer avec décision. La pratique des katas, des uchi-komi, des randoris, le salut, l’attitude et chaque déplacement dans le dojo sont des situations où le geste doit pouvoir être « un », souple et puissant. Il en va de la sincérité du pratiquant.

Lorsque les pratiquants se font face pour le salut, tous deux cherchent (avec l’aide du juge si celui-ci est sollicité sur l’exercice) à effectuer ippon dans le minimum de temps. Cette notion de temps est tout à fait primordiale dans cet exercice puisqu’il correspond au temps du ippon. Lorsque deux pratiquants font randori, ils ne définissent pas a priori de durée de pratique ensemble. Ils décident de pratiquer librement avec sincérité et engagement le junomichi et s’exercer à effectuer des ippons. Lors du shiai, l’exercice est ramené au temps du ippon qui doit apparaître au plus court avec la prise du judogi.

Une autre notion qui me semble apparaître avec la pratique du shiai est la disponibilité. Les deux pratiquants qui cherchent à faire ippon sont dans un état d’esprit qui va fortement influencer leur attitude et leur efficacité. Ils sont souvent pris par des sentiments qu’animent les circonstances, le public, leurs propres incertitudes. Leur efficacité viendra en partie de leur présence pleine et entière à vivre ce moment et de leur capacité à ne pas se figer dans une intention particulière sur la manière de faire ippon. C’est ce que j’entends par disponibilité. Cette disponibilité n’est pas une sensation présente uniquement au moment du combat. Elle doit s’exprimer sur l’ensemble de l’exercice, à tout moment. L’attitude caractérisée par la présence, la vigilance et la disponibilité du pratiquant est identique qu’il soit en train de saluer son partenaire en début de combat ou sur le côté à regarder d’autre pratiquant. 

Vincent T., avril 2013

(1)    « la ligne » - les pratiquants se mettent les uns à côtés des autres et les deux premiers de la ligne ainsi formée se rencontrent. Celui qui fait ippon reste au milieu et rencontre le suivant.

(2)    « le champ de bataille » - les pratiquants se rencontrent tous ensemble de manière aléatoire. Lors d'un ippon les pratiquants changent de partenaire.